Le marketing du vin se spécialise dans le développement de techniques visuelles qui sauront déclencher chez le consommateur l’envie d’acheter soit par une séduction esthétique (graphismes, couleurs, etc.) soit par une séduction qualitative. Ceci est applicable pour tous les types de consommateurs, avertis ou pas, à partir du moment où ils ne connaissent pas le produit, et ne l’ont jamais goûté.
La séduction qualitative consiste à instaurer dans le consommateur un sentiment de confiance et d’appréciation du produit, avant même de l’avoir goûté, par le biais d’éléments clés tel que le poids de la bouteille, le prix, et des termes tel que : Mis en bouteille au domaine, élevage en fut, « réserve », « supérieur », cru, etc. Ce sont des termes génériques, dont l’utilisation est effectivement régie par la législation, mais qui rassurent le consommateur sur le rapport qualité/prix du produit. La réputation de certaines appellations d’origine protégée telles que St-Emilion, Chateauneuf-du-Pape, ou autre, auront le même effet.
Dans un deuxième temps, ayant passé le cap de l’achat, le consommateur trouvera également un sentiment de rassurance dans l’apparition d’un véritable bouchon en liège. Nombreuses sont les réactions de déception dans nos entourages en apercevant un bouchon synthétique, ou dans une moindre mesure, les bouchons en aggloméré.
La présence de la capsule à vis, débat technique à part, peut être considéré comme un faux-pas d’un point de vue marketing. Effectivement, idem que pour le Bag-In-Box, la capsule à vis est traditionnellement associée au vin de table, ou au vin industriel. L’aspect rassurant cité plus haut est effectivement réduit, voire éliminé. Chez les cavistes, ou les établissements CHR, le consommateur va tirer la confiance dont il a besoin pour conclure son achat, de la compétence du professionnel qui procède à lui vendre le produit en question. Livré à lui-même, le consommateur sera largement influencé par son premier rapport avec le produit : le visuel. Et finalement, n’oublions pas l’importance souvent citée, du cérémonial du débouchage, que ça soit effectué par le consommateur, ou par le sommelier.
En Nouvelle-Zélande, et dans le Nouveau Monde en général, la présence de la capsule à vis est beaucoup plus présente que dans l’Ancien Monde. La raison de ce développement est historique avant tout.
Le mouvement de la capsule à vis a commencé son développement il y a près d’un demi-siècle en Australie. En effet, le développement du vin Australien tel que nous le connaissons aujourd’hui à vraiment pris son envol au milieu du XXème siècle. Anciennement, les vins australiens étaient des vins fortifiés à la qualité discutable. En changeant leurs méthodes de vinification pour produire des vins de qualité supérieure, le potentiel de garde de leurs vins pris toute son importance. En parallèle à ce développement, tout le Nouveau Monde était en plein essor, et la demande de bouchons en liège a explosé. Une rupture de stock s’en suivi avec deux conséquences. Premièrement, il fallait trouver un moyen de combler ce manque de bouchons afin de pouvoir commercialiser ses vins. Deuxièmement, les producteurs de bouchons prirent la décision de privilégier les vignobles de l’ancien monde, avec qui ils travaillaient depuis des générations, en leur réservant les meilleurs bouchons. La maigre allocation de bouchons lièges qu’ont pu obtenir les vignobles du nouveau monde, était de mauvaise facture, et certains domaines se retrouvèrent avec près de la moitié de leur production bouchonnée, et donc perdue.
A cette époque, Peter Wall, le directeur du domaine Yalumba en Australie, va se tourner vers un fabricant français de capsules à vis pour l’agroalimentaire, dans le but de les adapter aux bouteilles de vin et donc trouver une solution à ce problème de conditionnement. Le développement commercial de la capsule sera limité par la mauvaise réception par le consommateur jusqu’à la fin du XXème siècle. En 2000, l’utilisation de la capsule à vis par un groupe de vignerons du Clare Valley pour le conditionnement de leurs vins supérieurs, va inciter un grand nombre de vignerons néo-zélandais, entre autres, à faire de même.
Les producteurs de bouchons en liège vont naturellement boycotter ce mouvement, en mettant en avant des études qui valorisent la perception commerciale du bouchon, sa nature écologique, ou tout simplement valoriser le rôle du bouchon dans l’évolution du vin. D’ailleurs, le choix du vigneron dans sa décision d’utiliser bouchon ou capsule, se portera souvent sur le type de vin produit : du liège pour un vin de garde, un autre type de bouchon pour une consommation rapide. Effectivement, un argument régulièrement utilisé pour soutenir les bouchons en liège relève de la théorie que le vin a besoin de ‘respirer’ pendant son élevage pour évoluer. Le professeur bordelais Pascal Ribereau-Gayon remet en question cette théorie dans son « Traité d’Oenologie » en 2000, où il a particulièrement étudié les vieux portos scellés sous cire, ainsi que les bouteilles élevées au fond de l’océan.[1]
Le Australian Wine Research Institute (AWRI), un institut de renommée mondiale, va effectuer de nombreuses études afin d’essayer d’élucider les avantages et inconvénients des différentes méthodes de fermeture.
En 1999, une étude va porter sur l’évolution d’un même vin, à base de Sémillon, sous différentes fermetures.[2]
Les résultats de l’étude seront concluants, la capsule à vis assure une conservation optimale, réduisant considérablement l’oxydation du vin comparé aux autres fermetures. L’étude ne dénigra en aucun cas les fermetures en liège, mais démontra plutôt les variations éventuelles qui peuvent survenir d’une bouteille à une autre, en fonction de la qualité de la fermeture. Nous constatons tout de même la couleur oxydative assez prononcée de la dernière bouteille, ainsi que la sixième bouteille dont le bouchon montre des traces de coulure jusqu’à mi-bouchon.
De plus, l’étude démontra que le vin sous capsule, montrait des caractères plus réducteurs que les bouteilles conditionnées sous bouchon. Un résultat qui pourrait être considéré logique compte tenu de l’étanchéité accru de la capsule, et qui formerait donc une barrière plus efficace entre le vin et l’oxygène environnant. Cependant, Eric Wilkes, membre de l’AWRI, n’est pas d’accord avec cette conclusion. Prenant en considération d’autres études menés sur ce sujet, il en déduit que le problème de réduction ne serait pas indicatif du conditionnement, mais plutôt directement du vin en soit, ainsi que les décisions prises lors de la vinification.[3]
L’AWRI a également établi une étude en collaboration avec l’International Wine Challenge (IWC), qui a permis d’étudier sur une période de neuf ans, la quantité de vins identifiés comme ayant un défaut spécifique, et ce classé par conditionnement.
Pourcentages de défauts identifiés sur une période de neuf ans, classés par conditionnement.
Les résultats de cette étude étaient également concluants. Les bouteilles conditionnées sous capsules à vis sont moins susceptibles de développer des défauts liés à la conservation du vin.
Face à ces divers études, ainsi que la place de plus en plus importante que prend la capsule à vis dans le choix du conditionnement du vin, les entreprises productrices de bouchons en liège tel qu’AMORIM, entreprise Française, ont investi énormément dans la recherche et l’éradication des problèmes liés à leur bouchons. Ceci leur permet de proposer des garanties qualitatives liées à leurs bouchons.[4]
Considérant les quelques résultats présentés ici, un argument souvent employé va porter sur l’évolution du vin, qui sera théoriquement excessivement ralenti et affecté sous capsule à vis.
Michael Brajkovic, ancien président de l’association néo-zélandaise Screw Cap Initiaive, premier Master of Wine NZ, vigneron et propriétaire du prestigieux domaine Kumeu River à l’ouest d’Auckland, a pris la décision de passer la totalité de sa production sous capsule à vis, dès 2001. Les vins produits à Kumeu River sont considérés comme étant certains des meilleurs chardonnays du pays, tenant tête à de nombreux domaines bourguignons lors de concours. Cette réputation a permis à Kumeu River de passer sous capsule tout en maintenant sa base de client, mais aussi souligner l’utilisation des capsules à vis avec des vins de garde de qualité mondiale. M. Brajkovic est également œnologue, éduqué en Australie, et ses recherches personnelles l’ont mené à prendre cette décision de conditionnement.
Une dégustation comparative de bouteilles de vins rouges et blancs, conditionnées soit sous bouchon ou capsules et ayant subi un élevage en bouteille pendant dix ans, avait permis à M. Brajkovic de soutenir sa décision et son positionnement.[5]
En résumé, le bouchon à vis assure une qualité constante d’une bouteille à l’autre, une fermeture hermétique sans risque de coulure, aucun risque de goût de bouchon et un risque réduit d’autres défauts, une oxydation presque nulle conservant la fraicheur du vin, et finalement, un aspect pratique dans l’ouverture et le stockage. Les principaux désavantages seront liés à l’aspect marketing, et donc l’impact négatif d’un point de vue commercial.
Malgré les avantages cités ci-dessus, la capsule à vis peut être un obstacle à la commercialisation de vins néo-zélandais, et notamment en France. Afin de surmonter ce problème, il existe plusieurs solutions. L’éducation des consommateurs, par le biais de la communication, ou de la dégustation, permettrait de contribuer à une évolution de leur perception de la capsule à vis. En revanche, ça risque d’être un processus long, efficace uniquement sur les consommateurs réceptifs, et sur des échelles spécifiques. Par exemple, un caviste pourrait procéder à une certaine éducation par son discours, mais uniquement à l’échelle de ses clients. Sur un plan national, la communication nécessaire serait couteuse, et efficace uniquement sur les consommateurs réceptifs à cette réflexion. Cette communication pourrfait se faire par le biais de reportages et d’articles sur des supports différents afin d’atteindre une population plus conséquente.
Finalement, l’acceptation de la capsule sera toujours liée à la question de confiance. En cave, bar à vins ou restaurant, le client consomme en faisant confiance au professionnel. L’éducation sur un plan national, permettrait au client d’avoir confiance en la capsule en grande surface par exemple, lorsqu’il n’est confronté qu’à la bouteille et à lui-même.
[1] Ribereau-Gayon et al. Traité d’œnologie, Tome 1 – Microbiologie du vin (2000)
[2] Godden, P. et al (2001) Wine bottle closures: physical characteristics and effect on composition and sensory properties of a Semillon wine. Performance up to 20 months post-bottling. Aust. J. Grape Wine Rees. 7 :64-105
[3] Wilkes. E. (2016) Is it the closure or the wine? AWRI p.22-25
[4] http://www.amorimfrance.fr
[5] O. Geffroy, Vins et Vignobles d’Océanie, IFV Sud-Ouest (2011) p.32